L’essence à deux euros et la campagne présidentielle

Le prix de l’essence a flambé ces derniers jours, atteignant le seuil symbolique des deux euros le litre à la pompe et vous trouvez vous aussi que ça commence à faire beaucoup…

Oui, bien sûr, mais je trouve surtout que cela souligne une des principales faiblesses de la campagne présidentielle : la quasi absence des problématiques écologiques dans le débat, contrairement à ce qui s’était passé en 2007.

Cette hausse a quand même suscité quelques débats…

En effet. On peut et on doit discuter de la taxation des profits exceptionnels réalisés par les pétroliers à cette occasion, de la remise en place d’une Taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) flottante, instaurée par la gauche et supprimée par la droite, pour éviter que la hausse des prix du pétrole ne soit amplifiée par celle des taxes sur ces produits. On peut aussi se demander s’il ne faudrait pas un « tarif social » pour l’essence, comme cela existe pour le gaz et l’électricité. Mais ces palliatifs utiles ne sont pas à la hauteur du problème suscité par cette hausse du pétrole.

Elle a en effet toute chance de se poursuivre et de s’accentuer…

Oui. Entre la demande croissante des pays du Sud et la raréfaction déjà engagée des ressources, cela paraît le plus probable. Au-delà de ces palliatifs, il n’y aura donc pas de sortie de crise en France et en Europe si nous ne sommes pas capables d’accélérer la transition énergétique malgré nos difficultés budgétaires…

Ce n’est pas vraiment dans l’air du temps. Depuis 2007 est intervenue la plus grave crise économique depuis 1929 et les premiers soucis des Français aujourd’hui ce sont plutôt le chômage et la dette publique…

Evidemment. Les Français ont tendance, et c’est compréhensible, à ne se soucier d’écologie que par beau temps. Mais c’est un piège car la crise actuelle est aussi déjà une crise écologique.

Première nouvelle…

Et pourtant c’est le cas. On ne s’en souvient plus guère tant il s’est passé de choses depuis mais au printemps 2008, avant même que Lehman Brothers ne s’effondre, l’économie française avait déjà reculé parce que la hausse des prix du pétrole et des matières premières, notamment agricoles, avait fait chuter le pouvoir d’achat des Français. Cette hausse, enclenchée en 2005, a probablement d’ailleurs joué un rôle majeur dans l’éclatement de la bulle immobilière elle-même. Et si aujourd’hui l’Europe retombe dans la récession, ce n’est pas simplement parce que nous avons, sous la houlette d’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, très mal géré la crise grecque et ses suites, c’est aussi parce que les prix du pétrole et des matières premières atteignent de nouveau des sommets. L’Europe ne sortira pas de la crise si nous ne sommes pas capables de réduire radicalement notre dépendance à l’égard de ces matières premières importées.

Mais cela ne préoccupe guère les principaux candidats à la présidentielle…

Malheureusement. Dans un premier temps, le président sortant, avait joué le jeu avec le Grenelle de l’environnement. Mais par la suite, son « l’environnement ça commence à bien faire » de 2010 avait montré combien cette conversion n’était que circonstancielle. Depuis, son gouvernement n’a pas arrêté de mettre des bâtons dans les roues aux énergies renouvelables tant dans l’éolien que dans le photovoltaïque. Et aujourd’hui les questions écologiques ne jouent aucun rôle dans sa campagne. Mais visiblement, François Hollande, son principal challenger, n’a guère pris non plus la véritable mesure des défis écologiques. Pourtant la conversion écologique de nos économies pourrait devenir non seulement le support principal d’une relance de l’activité mais aussi celui d’une relance de l’intégration européenne. C’est en effet un des seuls terrains sur lesquels on puisse espérer convaincre les Allemands d’engager ensemble des politiques publiques plus ambitieuses. Voire de les financer ensemble à crédit en émettant pour cela les fameux Eurobonds dont il est question depuis si longtemps…

Guillaume Duval
Article Web – 19 mars 2012

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