Vichy, un diagnostic, des propositions

Voilà un an qu’un travail de réflexion pour notre ville et notre territoire a été initié dans le cadre du Laboratoire d’idées. Si ce travail est encore en cours, on peut d’ores et déjà en tirer quelques enseignements, à grands traits.

Il s’est agi d’une démarche en deux temps :
1. Un temps de diagnostic
2. Un temps de réponse et de propositions.

1- Diagnostic : 2 aspects complémentaires dans le constat

  • un territoire délaissé

La crise et l’austérité qui a suivi ont conduit partout en France à un affaiblissement de la redistribution nationale. Pour la première fois en 2008, les territoires périphériques s’en sont moins bien sortis que les territoires métropolitains qui ont très vite renoué avec la croissance démographique, économique, etc.
Comme le dynamisme économique se concentre aujourd’hui sur les métropoles, la politique menée dans les territoires périphériques et à Vichy notamment, consiste à désespérément attendre le retour de l’activité économique depuis l’extérieur, le national ou l’international. Avec les résultats que l’on sait et une passion jamais démentie pour toute forme de désenclavement.

Sans doute est-il temps de s’interroger sur la nature de la situation et des réponses que nous y apportons.

  • un territoire fracturé

Dans une telle situation économique et territoriale, la crise approfondit et creuse les inégalités au sein même de la ville, entre les quartiers. Cela se traduit par
– un déclin démographique vichyssois de plus en plus marqué
– une disparition des classes moyennes surtaxées
– une précarisation (résidentielle, énergétique…) accrue d’une partie de la population

Dès lors, deux populations se font face au coeur même de la ville-centre : une population aisée et âgée d’une part et une population précarisée, de l’autre; ces deux populations ne se croisent plus dans une ville divisée le long de frontières quasi invisibles, la rue Georges Clémenceau en étant l’un des plus symboles les plus marquants, avec Monoprix d’un côté et Hédiard, de l’autre.

Il est donc là aussi temps de repenser l’aménagement urbain de notre ville, non plus en terme de décoration urbaine, mais de reconstitution du lien social et du vivre-ensemble.

 

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2- Quant aux propositions que nous avancerons pour tenter de faire face à cette double crise vichyssoise, elles s’appuieront sur trois axes complémentaires :

 

  • Innovation – Investissement – Imagination

Innovation technologique mais aussi sociale (Économie sociale et solidaire), culturelle, démocratique (budgets participatifs de quartier) et même financière. Face à l’ampleur des défis et à l’amenuisement des ressources affectées par le pouvoir central, nous devons redoubler d’imagination et d’originalité pour retrouver des marges de manoeuvre. L’Europe, la France et le monde entier regorgent d’initiatives originales et très concrètes pour répondre aux défis de notre temps. A nous de nous en inspirer.

  • Ressources territoriales (et donc renouvelables) : puisque les ressources ne ruissellent plus comme auparavant des centres de pouvoir et de l’État central, il nous faut faire le pari des atouts, des richesses et des ressources sous ou non exploitées de notre territoire. Elles sont culturelles, humaines, naturelles, énergétiques…

La question est de savoir comment investir massivement dans ces ressources ? Une méthode simple : la boucle locale d’investissement qui fait de nos dépenses courantes, nos investissements.
Exemple : les Vichyssois dépensent en moyenne 84 millions d’euros par an en gaz, essence et électricité. En réduisant nos consommations énergétiques d’un tiers, soit 28 millions d’euros, et en maintenant nos dépenses, on dégagerait de fait 28 millions d’euros d’investissements pour nos territoires. En fléchant ces 28 millions vers les dépenses d’isolation thermique censées réduire nos consommations pour lancer ce cercle vertueux. Les moyens ne manquent pas pour amorcer la pompe : Service public de l’Efficacité Energétique (EE), Fonds de garantie bancaires, SEM d’EE, tiers-investissement, etc.

Le potentiel d’emplois créés par un flux d’investissement de 28 millions d’euros annuels est évalué à 200 – 250 équivalents temps plein. Le défi étant de s’assurer que ces emplois soient le plus possible créés sur le bassin d’agglomération : à charge pour les structures de développement locales de veiller à la constitution et la pérennisation de filières locales, tant pour les services que pour les matières. Il est donc temps de repenser collectivement les modes d’intervention des agences locales de développement afin d’engager un dialogue social et professionnel territorial.

On pourrait multiplier les exemples sur des questions aussi diverses que

– les matières premières (et par exemple, le sable de construction dont le prix a été multiplié par 5 ces dernières années et qui entrave le secteur du bâtiment)

– les produits alimentaires

– le patrimoine thermal

– ou les services auxquels on ne répond pas aujourd’hui sur l’agglomération [Manque d’heures dans le traitement de la dépendance…]

On le voit ici en posant les questions de l’investissement et des ressources locales, on pose nécessairement celles du lien et des solidarités locales, qu’elles soient sociales ou économiques.

  • Liens – Solidarités – Réseaux :

Une mobilisation générale de tous les acteurs du territoire – associatifs, politiques, institutionnels, professionnels, etc… – est impérative contre la montée des inégalités à Vichy, qu’il s’agisse d’inégalités sociales, sanitaires, scolaires ou résidentielles…

Exemple : les deux tiers des élèves issus de CM2 à l’école Pierre Coulon n’atteignent pas le seuil d’une seconde générale au lycée de Presles.
Il s’agit là d’une inégalité scolaire persistante malgré le travail des équipes. Elle est inscrite dans le territoire, localisée.

Ces inégalités ne sont plus seulement individuelles mais territoriales : il faut en établir une cartographie pour les traiter en tant que telles, par des politiques publiques coordonnées (santé, habitat, aménagement…) et un zonage pertinent.

D’un dispositif élargi et approfondi de réussite éducative mis en place en coordination avec les enseignants, les familles et les travailleurs sociaux à l’élaboration d’un Contrat Local de Santé pour établir une cartographie sanitaire précise du territoire communal et communautaire, en passant par un plan de prise en charge de la dépendance articulé sur les dispositifs existants (CG Allier) et la priorité donnée à la lutte contre la précarité énergétique dans les programmes de transition (voir plus haut), il convient de se donner les moyens d’enrayer ce creusement des inégalités dans la commune et alentour.

Lutter contre ces inégalités et le délitement du territoire, c’est se redonner les moyens du vivre-ensemble, les moyens de faire ville et territoire, la chance de s’inventer un avenir commun.

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