Vichy : l’alimentation au cœur du changement

Décidément, le temps est  plus que jamais à la performance, au classement et à l’évaluation… Dernières victimes en date, les cantines scolaires de la ville de Vichy. Avec la froideur d’une Standard & Poors du poisson pané, l’UFC Que Choisir a choisi de classer Vichy à l’avant-dernier rang des villes d’Auvergne pour la qualité nutritionnelle de ses cantines.
Avec une note (12, 7), décidément fort insuffisante (?). Mais quelle note attribuer à la Moody’s des petits pains pour la conduite de cette étude ?
Aucun responsable municipal vichyssois n’a été consulté.
Dans certaines villes, on a noté l’ensemble de la restauration scolaire, ailleurs on s’est contenté du menu d’une seule école. A Vichy, on n’a tenu aucun compte des cantines des collèges.
Focalisée sur des critères strictement nutritionnels, l’enquête omet des enjeux fondamentaux : elle ne pose pas la question des labels, des circuits courts ou du bio, de la saisonnalité des productions, ni des retombées économiques et sociales pour les territoires…
Autant de raisons de rester sur sa faim et de comprendre la surprise vichyssoise, dans une ville où, Grenelle oblige, des progrès ont été accomplis depuis 2008 : retenons les 20% de produits Bio (dont le pain) ainsi que les campagnes d’animation-sensibilisation – certes largement perfectibles – au goût et à la qualité des aliments.

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Malgré ses limites, cette étude a le mérite de poser la question des cantines scolaires et plus largement de l’alimentation. L’alimentation est en effet au cœur de bien des débats ; elle est l’une des clefs du changement, à Vichy notamment. Et ce, sur trois points.

  • L’alimentation est au cœur du vivre-ensemble, elle est un terrain de partage, l’un des espaces de la transmission, celui du lien entre les cultures et les générations, entre les personnes et leur environnement.

Apprendre à bien manger, c’est apprendre à prendre soin de soi, des autres et du monde, à être et vivre en société. C’est une éducation à la responsabilité.
Cette éducation commence à l’école ; mais elle peut se poursuivre tout au long de la vie via l’apprentissage de la cuisine la plus saine et la moins onéreuse pour les plus démunis ; via tous les types d’ateliers cuisine ou d’échanges de savoirs. En outre, notre région dispose d’une richesse culinaire remarquable – insuffisamment reconnue – au travers d’un réseau assez dense de restaurateurs solidement implantés et sachant travailler la diversité et la saisonnalité des produits locaux : comment les solliciter en matière de partage de savoirs et faciliter par là une certaine ‘démocratisation’ locale des arts culinaires ?

  • L’alimentation est au cœur de l’économie locale. A la responsabilité répond la proximité, et donc la logique agricole du circuit court entre le jardin et l’assiette. Qui dit circuit court dit :

– diminution des émissions de gaz à effet de serre, économies d’énergie (autant de moyens en plus pour le territoire) et protection du climat
– création et protection des emplois locaux : le passage en bio crée 40% de travail en plus que l’agriculture conventionnelle.
Aujourd’hui, faute des producteurs locaux, le fournisseur de la ville de Vichy est basé dans la région de Saint-Etienne. La ceinture agricole de l’agglomération vichyssoise ne suffirait-elle pas ? Limagne Nord, Forterre, Saint-Pourcinois, Pays de Lapalisse, Montagne bourbonnaise, les terroirs ne manquent pas pour le développement d’une offre alimentaire locale et diversifiée.
L’adoption par le Conseil général de l’Allier de l’initiative Agrilocal.fr, une plate-forme développée dans la Drôme, de mise en relation directe des producteurs locaux et des acheteurs publics (collèges) dans le cadre d’une procédure de marché adapté, est un premier pas ; comme une idée à creuser à tous les échelons.
Mais il faut sans doute aller plus loin et plus vite en se servant de ce levier unique de la commande publique : comment faire en sorte que l’argent de nos impôts et contributions fasse fleurir nos champs, nos assiettes et nos emplois dans la région de Vichy ?
Comment faire en sorte, par exemple, d’acheter plus d’azote vichyssois et moins d’azote argentin ?  Et donc de substituer des protéines végétales (légumineuses fixant l’azote de l’air vichyssois) à une partie des protéines animales produites avec du soja argentin OGM ayant traversé l’Atlantique ? Et de répondre ainsi en partie à la critique de la cherté du Bio (et surtout des produits carnés).
Les décisions à prendre sont ici structurelles.

  • Enfin, l’alimentation est au cœur de la transition écologique. Rappelons qu’en 2008, la pression sur les sols et les ressources – et incidemment la montée des prix agricoles – fut l’une des causes du grand dérèglement financier.

Si la crise est globale, les clefs de sortie peuvent être locales : si l’on veut ramener le robinet de la commande publique vers nos territoires, encore nous faut-il
– trouver des terres pour le maraîchage (et donc préserver nos terres agricoles)
– former des agriculteurs
– acquérir des outils de transformation agroalimentaires simples et locaux (légumeries par exemple) .
Il va sans dire que ce triple investissement dans le foncier, la formation et les outils de production devra nécessairement s’appuyer sur le levier de la mutualisation et de l’intercommunalité, véritable échelon des décisions stratégiques pour nos territoires.

C’est alors que s’ouvre la question du rôle et des compétences de notre communauté d’agglomération. Débat assurément crucial en vue des prochaines échéances électorales.

– François Skvor

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