Quand la Chine ralentit

Depuis quelques mois, un vif débat agite nombre d’économistes : à quel rythme la croissance du produit intérieur brut de la Chine va-t-elle se ralentir ? Les « optimistes » pensent que les prévisions du 12e plan (2011-2015) se réaliseront : une croissance de 7 % l’an, à comparer aux 9 % ou 10 % connus depuis une trentaine d’années. Les « pessimistes » imaginent une rupture brutale, Nouriel Roubini annonçant ainsi un « atterrissage violent » pour 2013. Paul Krugman vient de se ranger de ce côté, en s’interrogeant le 19 décembre dans le New York Times : « La Chine va-t-elle s’effondrer ? » L’influent économiste souligne la fragilité du système financier chinois, la constitution d’une bulle immobilière, l’excès des dépenses d’investissement. En fait, la Chine a opéré en 2009 une relance vigoureuse pour éviter d’être entraînée dans la crise des Etats-Unis et de l’Europe. Mais cette relance très artificielle n’a fait que retarder un freinage inévitable.

Cependant, si les conjoncturistes craignent ce ralentissement, les écologistes l’attendent avec soulagement : le poids écologique de la Chine est devenu si grand qu’il est dangereux. Dangereux pour elle-même, comme l’a rappelé – signe parmi des milliers – l’annonce le 24 décembre par le ministre des affaires civiles, Li Liguo, que les catastrophes naturelles y avaient touché 440 millions de personnes en 2011. Dangereux pour le monde, du fait que les importations massives de matières premières pour nourrir l’industrie chinoise ont un impact violent sur l’environnement des pays fournisseurs, en Amérique latine, en Afrique ou en Indonésie. La Chine reproduit le comportement de l’Occident pendant la révolution industrielle : l’utilisation de l’espace écologique planétaire pour alimenter son développement. Mais, dans une époque où la ressource écologique globale se réduit rapidement, les conséquences en sont devenues insupportables.

L’enjeu est de réaliser plus rapidement que ne le souhaitent les dirigeants chinois la transition vers une économie beaucoup moins consommatrice. Il n’est, au demeurant, pas spécifique à cet immense pays. Les pays occidentaux exercent eux aussi, et depuis plus longtemps, une lourde empreinte écologique. Par exemple, le rapport sur le marché automobile mondial publié le 22 décembre par le Scotiabank Group indique que la Chine a probablement dépassé en 2010 les dix millions d’automobiles achetées – mais que les Etats-Unis en sont, eux, à quinze millions…

– Par Hervé Kempf, Le Monde, le 27-12-2011

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