Le défi populiste et périurbain de la politique française

Entre 30 et 50 km du centre des grandes villes, les votes PS – UMP – FN sont au coude-à-coude, le parti d’extrême-droite enregistrant ici ses meilleurs scores. Quelles explications à ce nouveau paysage politique métropolitain? Quels remèdes ?

Le 29 février dernier, Le Monde diffusait une étude de géographie électorale à l’approche inédite.

Plus question d’envisager la nature du sol – calcaire, schisteux ou granitique – pour déterminer la nature du vote local comme on le faisait au début du 20ème siècle dans une France encore largement rurale.

Dans un pays où le fait urbain et métropolitain est devenu ultra dominant, à la géologie s’est substituée une topologie, littéralement une étude des lieux, de leurs relations et distances.

En l’occurrence, il n’est plus question de déterminer la nature de l’enracinement de telle ou telle attitude politique, mais d’évaluer la corrélation entre le vote et le « gradient d’urbanité », c’est-à-dire la distance au centre urbain et métropolitain.

 

Or cette corrélation du vote des Français avec la distance au centre-ville est édifiante. Elle confirme ce qu’au-delà de la fameuse fracture sociale, les écologistes appréhendent comme une véritable fracture territoriale.

L’évolution du vote Front National suit celle d’une courbe en cloche dans un repère où les abscisses représentent la distance au centre et les ordonnées le % de ce parti.

Faible en centre-ville, le vote FN progresse, selon cette étude, régulièrement jusqu’à culminer entre 30 et 50km du centre-ville (pour les plus grandes métropoles, à commencer par la région parisienne) avant de décliner régulièrement à mesure que s’ouvrent les espaces ruraux.

Cette zone périurbaine correspond à des zones nouvellement pavillonnaires ayant accueilli les classes moyennes désireuses d’accéder à la propriété individuelle.

Empêchées d’accéder à la propriété à proximité de leur lieu de travail du fait de la hausse continue des prix de l’immobilier en centre-ville, ces populations ont tout de même souhaité réaliser ce rêve de l’accession à la propriété, voire au pavillon individuel, symbole d’ascension sociale par excellence des classes moyennes.

Au choix de la tranquillité individuelle correspond donc la contrainte de l’éloignement, ainsi qu’une certaine forme de relégation (temps et coût du transport, éloignement des services publics…)

Or notent géographes et sociologues, l’enjeu est majeur pour la vie politique française : 28% de la population française vit aujourd’hui dans ces zones périurbaines.

De là à prédire que le vote FN risque, dans les années qui viennent, d’être indexé sur les facteurs d’une relégation accrue, à savoir la hausse continue des prix du carburant et de l’énergie, il est un pas qu’on ne saurait franchir aisément. Encore que… S’il semble difficile de prédire le comportement politique de populations continuellement fragilisées et reléguées, il reste possible d’imaginer le niveau de frustration et de ressentiment ainsi engendré, sentiments que ne sauront manquer de capter les populismes de tout poil.

 

Et si à cela s’ajoute la cohabitation :

– d’une part, des zones de grande précarité que peuvent devenir des cités populaires encore plus défavorisées et reléguées,

– et d’autre part d’un centre métropolitain hyperprivilégié (et même, pourquoi pas, ultra écolo),

se dégagent alors tous les facteurs d’une gestion ultra-sécuritaire de la société, à côté de laquelle le quinquennat Sarkozy pourrait même inspirer des regrets.

Populisme et réponses écologistes – Dès lors quelle alternative proposer à cette perspective sécuritaire ?

Une stratégie politique et sociale de très grande ampleur combinant des éléments que les écologistes tentent d’articuler depuis des années :

– une transition énergétique concernant à la fois les sources d’énergie (dont la première ressource renouvelable, l’économie d’énergie ou négaWatt)

et les modes de transport (là encore, le mode les plus économe en temps et en énergie étant le non-transport : ce qui implique une rénovation urbanistique importante, un rapprochement des lieux de vie et de travail)

 

– une transition urbanistique et architecturale (dans l’organisation des espaces métropolitains, comme dans celle des bâtiments et de la gestion des ressources foncières)

 

– une transition démocratique à l’échelle métropolitaine : une nouvelle respiration démocratique en France doit passer par une réforme constitutionnelle de fond ainsi que par une nouvelle vague de décentralisation. Celle-ci prévoyant un substantiel transfert de ressources et de compétences au double échelon des régions et d’une intercommunalité rénovée.

 

Si les écologistes n’ont pas la prétention d’apporter des solutions clef en main, ils avancent néanmoins les pistes d’un diagnostic sorti des ornières du seul traitement économique de la crise que prônent droite et gauche confondues, moyennant variantes.

Écrivons-le une fois de plus, cela ne sera pas de trop dans le contexte de cette vaste campagne d’enfumage à laquelle se livrent les favoris du 6 mai 2012 : la crise actuelle a une double origine, énergétique et alimentaire. Elle est donc essentiellement écologique.

Et si l’épidémie populiste et sécuritaire, qui prend chez nous la forme du FN, procède de raisons écologiques, gageons qu’on en enrayera la propagation au moyen de diagnostics et de mesures écologistes.

– EELV Pays de Vichy

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