La monoculture intensive appliquée aux transports : LGV en Franche-Comté

Vous connaissez le principe de la monoculture intensive : sur des milliers d’hectares, vous ne cultivez qu’une seule variété de maïs par exemple, à grands renforts d’engrais, voire d’OGM. Ces champs sont des phares allumés dans la nuit pour les prédateurs, ils appauvrissent les sols, ils sont particulièrement sensibles au moindre parasite qui provoque tout de suite des dégâts considérables.  Au passage, vous avez détruit la biodiversité, divisé le nombre de paysans par 10 ou 20.

Pourtant, la logique de la monoculture intensive est encore très répandue. Il s’agit de simplifier, de maximiser les profits à court terme. Il s’agit de n’investir que dans ce qui est déjà gros et d’abandonner tout ce qui est intermédiaire, avec l’idée que les profits seront encore plus forts. Bref, c’est du productivisme.

Cette même logique a guidé la politique française en matière de transports depuis des décennies : investir massivement sur les lignes à très grande vitesse, tout en abandonnant le réseau dit « secondaire ». Les collectivités publiques se sont lourdement endetté pour construire des LGV sur lesquelles roulent des trains qui ne peuvent pas s’arrêter à toutes les gares, dont la croissance de la consommation énergétique est exponentielle en fonction de la vitesse et qui sont plus chers à emprunter que les voitures individuelles, un comble !

Les Francs-Comtois sont très heureux de savoir qu’une gare perdue au milieu de rien, leur permet de rejoindre Paris à très grande vitesse. Ils sont heureux d’avoir contracté une dette qu’ils mettront (au mieux) 30 ans à résorber.

Pour accélérer le retour sur investissement, la SNCF et l’État sont obligés de viser la rentabilité maximale en permanence. Concrètement, cela veut dire des tarifs TGV qui augmentent de 20 à 30%, cela veut dire des réseaux secondaires laissés à l’abandon, des lignes TER dont les voies ne sont plus entretenues, forçant les trains à rouler de moins en moins vite. Oui, la conséquence de la très grande vitesse, c’est que la vitesse moyenne de circulation des trains diminue !

Nous avons appris hier que Lyria, une entreprise de statut privé mais détenue par des fonds publics (la SNCF et les CFF), envisageait de supprimer purement et simplement les liaisons direct Paris – Bern et Paris – Lausanne, à partir de décembre 2013, en d’autres termes de ne plus assurer de liaison direct entre Paris et le Haut-Doubs. Ces lignes sont pourtant rentables mais moins que les exorbitantes LGV. Je considère que la SNCF a délibérément organisé la désaffection des lignes Lyria en favorisant systématiquement les liaisons par la LGV, afin de rentabiliser au plus vite cette dernière. Régulièrement, la SNCF s’engage à maintenir les lignes Paris – Bern et Paris – Lausanne. Pourtant, concrètement, les liaisons ferment les unes après les autres. Là encore, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.

Les élus de tout bord montent au créneau pour défendre les lignes desservant le Haut-Doubs. Je ne doute de la sincérité ni de Patrick Genre, ni de Marie-Guite Dufay, dont l’activisme ne date pas d’hier.  Peut-être certains élus locaux, convaincus que les lignes vont de toute façon fermer, jouent-ils un rôle, profitant du délai accordé par Lyria pour se donner une image de grand défenseur, mais à nouveau, je ne pense pas que ce soit le cas du maire de Pontarlier ni de la présidente de région.

Quand accepteront-ils par contre de reconnaitre que la situation vécue aujourd’hui par le Haut-Doubs et tant d’autre zones rurales, n’est que la conséquence d’une politique absurde qu’ils ont soutenu, avec leurs partis respectifs, depuis des années. Encore une fois, les écologistes avaient raison.

Les immenses forêts d’eucalyptus du Brésil, les champs de soja argentins, les zones de maïsiculture qui s’étendent à perte de vue aux Etats-Unis, sont des espaces biologiquement morts. La France est-elle condamnée à n’être qu’un désert rural, traversé à toute vitesse par des train qui ne s’arrêtent pas ? La tâche s’annonce rude.

Dans ces conditions, les projets de la région Franche-Comté de développement de l’offre de transport pour les travailleurs frontaliers, apparait chaque jour plus opportune. C’est aux migrations pendulaires qu’il faut répondre en priorité. L’augmentation du trafic passager sur la ligne TER Pontarlier – Dole depuis les nouveaux horaires est, là encore, un signe encourageant. Quand on n’est pas obnubilé par la très grande vitesse, on arrive à être utile à une majorité de citoyens. Certes, des responsables politiques préfèrent dire qu’ils ont ouvert une LGV plutôt que des TER.

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