Alain Lipietz : “La conversion verte rapportera plus d’emplois que le maintien de l’ancien système”

Pourquoi la France rate-t-elle la révolution écologique ? Parce qu’il lui faudrait entrer dans une nouvelle économie, et qu’il s’agit, fondamentalement, d’une mutation culturelle. Or, la France a construit après guerre son modèle gaulliste, ultra centralisé, planifié, et il lui colle à la peau comme un vieux Scotch. Cette critique du modèle vient d’un de nos économistes les plus reconnus, l’écologiste Alain Lipietz, d’autant mieux fondé à le critiquer qu’il le connaît de l’intérieur, que c’est son histoire.

 

Rencontre avec cet esprit brillant et humaniste à l’éternelle moustache et aux yeux azur, véritable puits de culture économique, politique, philosophique, et qui connut mille vies, polytechnicien, ex-militant maoïste, organisateur des marches sur le Larzac, eurodéputé Vert, auteur de polars comme d’essais économiques alertes, dont le stimulant Green Deal (La Découverte, 2012)le dernier en date.

Avez-vous été surpris par les résultats du rapport Séralini sur l’effet des OGM ? 
Non. Mais il ne faut pas s’enfermer dans les polémiques experts vs contre-experts, tant les multinationales sont capables de faire asséner un démenti par un « expert » complaisant, comme on l’a vu sur le nucléaire, l’effet de serre ou l’amiante. Le vrai problème, c’est que les consommateurs ne veulent plus servir de cobayes et que les paysans ne veulent plus être asservis aux firmes agro-industrielles. Mais les gouvernements n’osent plus affronter celles-ci, tant elles sont puissantes, encore plus qu’Areva ! Pourtant, cette agriculture productiviste est au cœur de la crise actuelle.

Pourquoi ?
Nos dirigeants, y compris chez les Verts, n’envisagent que la crise financière, et au mieux la crise « énergie-climat ». Ils refusent de voir la crise alimentaire. Il s’agit pourtant de l’autre grande crise écologique de ce début de siècle, qui résulte à la fois de l’artificialisation de l’agriculture – depuis les engrais jusqu’aux OGM – engagée dans les années 50 et du libéralisme de la Banque mondiale, qui a poussé tous les pays à se spécialiser dans les cultures d’exportation au détriment des cultures vivrières. D’où la famine au Sud et la malbouffe au Nord, celle-ci débouchant à son tour sur une gigantesque crise sanitaire (obésité, diabète, cancers…). En outre, elle renforce la crise énergétique : 50 % des gaz à effet de serre sont produits par le système alimentaire, qui s’étend bien au-delà de la seule agriculture !

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